Projets de recherche

Projets de recherche en cours

Éducation et réseaux de mobilisation islamiques en Afrique de l'Ouest

Cet axe de recherche vise à revisiter l’étude des réseaux éducatifs islamiques en Afrique de l’Ouest. En effet, la création d’écoles islamiques pour concurrencer l’école d’origine coloniale et moderniser l’éducation coranique a constitué une revendication centrale du mouvement réformiste dès les années 1950. La lutte pour la définition de l’éducation a en outre été centrale dans la politique coloniale et postcoloniale dans la mesure où elle façonne l’univers culturel et idéologique des élites. Enfin, l’expérience scolaire est déterminante, en Afrique de l’Ouest comme ailleurs, pour la construction de réseaux de sociabilité et de mobilisation durables. 
Ce projet a deux objectifs principaux. Dans un premier temps, il s’agit d’établir l’état des connaissances dans la recherche sur le sujet d’un point de vue pluridisciplinaire. Cette mise à jour est essentielle dans la mesure où une partie importante de la littérature scientifique sur l’éducation islamique a été produite il y a plusieurs années et où il existe des zones d’ombre importantes, en particulier sur le plan géographique. Dans un second temps, nous voulons établir un répertoire des écoles secondaires et universités dans les différents pays de la sous-région (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Sénégal, Sierra Leone, Togo). Ce répertoire permettra de comprendre les programmes mis en application, les liens qui existent entre les institutions, les réseaux de financement des écoles, les débouchés pour les diplômés, ainsi que les réseaux religieux et citoyens qui émergent de l’expérience éducative commune.
Responsables : Louis Audet-Gosselin, Sayouba Savadogo, Zakaria Soré, Laurence Jutras

Littérature des arabophones sur les dynamiques de l'islam en Afrique de l'Ouest

La population ouest-africaine arabophone, en bonne partie formée dans des institutions d’enseignement arabophones, a une influence significative sur les dynamiques locales de l’islam. Cette population produit un volume important d’écrits en arabe sur la thématique de l’éducation et plus largement de l’islam. Cette littérature est toutefois peu connue dans les milieux de la recherche francophones et anglophones. Ce projet de recherche vise à explorer cette littérature dans le but de mieux comprendre l’influence des milieux éducatifs arabophones sur les dynamiques de l’islam en Afrique de l’Ouest. La recherche s’intéressera particulièrement à la frontière, parfois mouvante et poreuse, entre les écoles dont la langue d’enseignement est l’arabe et les écoles islamiques dans cette région. Ce projet pionnier aspire donc à renouveler la recherche, quelque peu délaissé ces dernières années, sur l’éducation et l’islam en Afrique de l’Ouest par la prise en compte des productions des arabophones, jusqu’à présent sous-étudiées. Il s’inscrit en prolongement et en complémentarité avec le projet « Éducation et réseaux de mobilisation islamiques en Afrique de l’Ouest » et s’appuiera sur le répertoire des établissements d’enseignement islamique réalisé dans le cadre de ce dernier pour donner plus de profondeur à l’analyse de la littérature ouest-africaine de langue arabe sur l’éducation et l’islam.
Responsable : Sayouba Savadogo

Que sont devenus les marabouts? Trajectoires occultes et changements sociaux en Afrique de l'ouest

Ce programme de recherche, financé par le CRSH-Savoir, examine les rôles des pratiques occultes dans le contexte de la transformation de l’Islam ouest africain à partir des années 1990. Dans le cadre des mouvements de réforme en islam qui marquent cette période, les pratiques occultes, incluant celles des « marabouts », ont été fortement critiquées et mises à l’écart en raison de leur soi-disant manque d’orthodoxie et leur attachement aux traditions culturelles. Malgré l’ampleur de ces récents mouvements, le marabout (karamoro, en langue dioula) reste un des acteurs centraux de l’occulte, ce qui est illustré, entre autres, par la présence de plus en plus fréquente de ces derniers comme sujet à débat dans les médias. Les pratiques contemporaines de certains marabouts dépassent les modèles du guérisseur/divinateur ou de la figure charismatique de l’autorité politico-religieuse qui dominent jusqu’à aujourd’hui la littérature. Ce dynamisme révèle l’ouverture et la pluralité des processus occultes et remet en question la perspective selon laquelle les mouvements de réforme en islam seraient linéaires et impliqueraient la disparition d’autres formes de croyance. Afin de poursuivre nos analyses des dynamiques contemporaines de la transformation des pratiques de l’islam en Côte d’Ivoire, il est pertinent de poser la question générale suivante: que nous apprennent la persistance et l’émergence de nouvelles pratiques occultes chez les marabouts sur les dynamiques contemporaines du religieux?
Le projet s’articule autour de quatre axes de recherche: 1. les trajectoires d’entrée dans les pratiques occultes et les rôles des marabouts; 2. les formes des savoirs et les techniques mobilisés par les marabouts de différents groupes d’âge; 3. les rôles des femmes dans les pratiques occultes; 4. les trajectoires de la circulation des connaissances occultes dans la sous-région.
La méthodologie repose sur l’articulation d’une démarche qui arrime les enquêtes ethnographiques propre à l’anthropologique et une démarche pluridisciplinaire inspirée aussi par des méthodes développées en histoire, sociologie et ethnolinguistique. Nous proposons de répertorier et décrire les trajectoires d’entrée dans les pratiques occultes, les techniques utilisées et les formes des savoirs mobilisés par les marabouts, en vue d’une analyse selon les groupes d’âge et en vue de documenter les rôles des femmes. Nous proposons aussi d’analyser les trajectoires d’acquisition et de transmission des connaissances occultes à travers l’observation de l’insertion de marabouts locaux dans des espaces transnationaux et de l’amalgame de divers types de savoir qui en résulte. Notre approche théorique s’inscrit dans la trame des travaux en anthropologie sur les « savoirs ésotériques » en islam qui mobilisent le concept d’une économie politique des savoirs. Ce concept permet de faire ressortir dans l’analyse l’enchevêtrement de divers registres de savoir qui ne sont pas nécessairement exclusifs entre eux et qui peuvent être acquis par une même personne (écrit, oral, formel, islamique, externes à l’islam, secrets, ancestraux, de type occidental).
Financement : CRSH-savoir (2017-2022)
Titulaire de la subvention : Marie Nathalie LeBlanc
Membres de l’équipe de recherche : Mathias Savadogo (Université Félix Houphouët-Boigny), Issouf Binaté (Université Alassane Ouattara), Boris Koenig (UQAM et Université de Leuven), Bourahima Diomandé (Université Alassane Ouattara), Sékou Traoré (Université Félix Houphouët-Boigny), Laurence Jutras (UQAM), Pier-Olivier Tremblay (UQAM)

L’humanitaire islamique en Afrique subsaharienne

Ce projet de recherche est dans la droite ligne du programme de recherche sur les ONG confessionnelles financées par le CRSH, intitulé : Religion, société civile et développement. Ce programme de recherche a examiné de façon générale les rôles sociaux, économiques et politiques des ONG religieuses en Afrique de l’ouest francophone. 
Depuis le début des années 1990, sous les effets conjugués de la crise économique, des programmes d’ajustement structurel imposés par le Fonds monétaire international et du contexte post-guerre froide, la plupart des pays africains se sont engagés dans des processus d’ouverture politique. Dans la littérature et selon les bailleurs de fonds internationaux, les organisations non gouvernementales (ONG) sont considérées comme des structures sociales incontournables face à la montée du néo-libéralisme économique ; ainsi, ayant pour rôle de consolider la démocratisation et la société civile, les auteurs relèvent l’implication croissante des ONG dans le champ des interventions économique et sociales pour le développement. Cependant, la recrudescence des crises et la dégradation continue des conditions de vie conduisent les observateurs à remettre en cause l’autonomie de la société civile, à s’interroger sur les bienfaits de l’aide au développement et sur l’absence de consolidation des ONG en Afrique. 
Dans ce contexte paradoxal, peu de recherches ont été réalisées sur les ONG confessionnelles (ONGc) en Afrique de l’Ouest. À la faveur de données empiriques exploratoires recueillies en 2008, 2009 et 2010 en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Sénégal auprès d’ONG islamiques, il est ressorti que : 1. certains types d’ONGc, d’initiative locale notamment, sont plutôt à la remorque de programmes nationaux et de l’état ; 2. les ONGc n’ont pas toutes été créées au moment de la démocratisation (début des années 1990), mais plutôt dans des moments de crise économique et politique ; 3. les ONGc entretiennent toutes des liens privilégiés avec le milieu associatif. Forts de ces premiers constats, notre programme de recherche à poser un nouveau regard sur la question du rapport entre religion, société civile et état, et ce en combinant des méthodes d’enquête anthropologiques, historiques et sociologiques et en choisissant d’analyser les ONGc dans les villes-capitales de quatre pays d’Afrique de l’Ouest (Dakar au Sénégal, Abidjan en Côte d’Ivoire, Bamako au Mali et Ouagadougou au Burkina Faso). 
Dans le cadre de ce programme de recherche, nous avons réfléchi: 1. sur le fait que, dans un contexte de post-sécularisme et de désengagement de l’État, les activités sociales des ONGc contribuent, mais de façon incomplète, à l’autonomisation de la société civile par rapport à l’État; 2. que les ONGc permettent aux jeunes et aux femmes de se construire une citoyenneté alternative.Dans une perspective comparative, nous évaluerons le rôle sociopolitique des ONGc dans la construction de la société civile et leur rapport avec l’État. 
Ce programme de recherche avait cinq principaux objectifs: 1. dresser une typologie exhaustive des ONGc dans les quatre pays ciblés en tenant compte, à la fois, des distinctions entre les diverses communautés religieuses (chrétiennes et musulmanes) et de celles entre les ONG locales et transnationales; 2. évaluer le degré d’autonomisation des ONGc face à l’État; 3. observer et analyser le rapport entre le volet humanitaire de ces ONGc et la part du prosélytisme dans leurs actions afin de mesurer la place du religieux dans les processus d’émergence et d’autonomisation de la société civile; 4. évaluer le degré de professionnalisation des diverses ONGc à la lumière de la dialectique entre les fondements éthiques de chaque religion, les dynamiques interreligieuses et les directives des programmes d’aide au développement international; 5. observer et analyser les relations sociales construites dans et par ces ONG en faisant ressortir le rôle des jeunes et des femmes. 
Ce programme de recherche se distingue, d’une part, par la pertinence de son approche comparative qui va au-delà d’une étude de cas et d’autre part, par le fait de considérer les ONGc comme des structures permettant la construction d’une citoyenneté religieuse et sociale alternative qui tente la synthèse entre le public et le privé, les fondements éthiques de chaque religion et les directives des programmes d’aide internationale au développement. 
Ce programme de recherche s’est conclu avec la publication de l’ouvrage intitulée : Faith and CharityReligion and Humanitarian Assistance in West Africa. Pluto Press (Series : Anthropology, Culture and Society), 2016. 
https://www.plutobooks.com/9780745336732/faith-and-charity/
Le projet : L’humanitaire islamique en Afrique de l’Ouest, fait suite à ce programme sur les ONG confessionnelles et vise à investiguer plus en profondeur les logiques et les actions de l’humanitaire islamique à partir du contexte ouest africain. 
La recherche sur l’humanitaire islamique s’est intensifiée après les événements du 11 septembre pour devenir un champ distinct de recherche. Toutefois, la majorité des travaux se centrent sur, d’une part les ONG transnationales, telles que Muslim Aid, crées en Europe ou en Amérique du nord et, d’autres part, les organisations qui sont actives ou qui proviennent du Moyen-Orient et des pays arabes. Les études détaillées sur l’humanitaire islamique dans les pays africains au sud du Sahara font défaut, notamment pour ce qui est des organisations locales et de leurs rôles sociaux, politiques, économiques et religieux. 
Depuis quelques décennies, une action sociale inspirée par la morale et la religion musulmane est à la base de la création de réseaux d’aide aux démunis, incluant des soins de santé et des structures l’éducation. Avec la création et la multiplication des ONG islamiques, ces actions de mobilisation sociale, qui ont été et restent, à certains endroitss structurées de manière informelle sur la base d’affinités identitaires, de normes morales communes, et de pratiques et d’intérêts partagés, s’orientent progressivement vers la création de structures caritatives professionnelles et centrent leurs actions sur une vaste gamme de services qui s’insèrent dans les logiques de l’aide internationale au développement (VIH-SIDA, droit des enfants, droits des femmes, etc). 
Ce projet de recherche s’intéresse, dans un premier temps, aux liens apparents entre les structures associatives de longue date et les nouvelles organisations humanitaires. À cet effet, la question des acteurs de ces milieux ainsi que celle des modalités de la mobilisation religieuse et citoyenne sont au cœur des activités de recherche et analyses mises de l’avant dans ce projet. En second lieu, le projet sur l’humanitaire islamique se penchent sur les modalités de l’usage des institutions de bien-être musulmanes (zakat, waqf et sadaqa) dans le cadre de projets de développement et d’aide humanitaire en Afrique subsaharienne. Finalement, il importe de se demander dans quelles conditions et pourquoi les musulmans et les musulmanes utilisaient la structure des ONG dans le cadre de leurs actions de bien-être et d’aide humanitaire, et quelles sont les conséquences sur le modèle organisationnel pour les collectivités musulmanes en Afrique subsaharienne ? 
Financement : CRSH-Savoir (2011-2015)
Titulaire de la subvention : Marie Nathalie LeBlanc
Membres de l’équipe : Issouf Binaté (Université Alassane Ouattara), Boris Koenig (UQAM et Université de Leuven), Bourahima Diomandé (Université Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire)


Projet RIMA

Porté par l’IMAF (UMR 8171/243) avec 5 partenaires scientifiques (Chaire ICAO/UQAM/Canada; Universités A. Ouattara/Bouaké, Côté d’Ivoire et Hassan II/Casablanca, Maroc; l’IFAN/Dakar, Sénégal; et Kyoto Seika University/Japon) le projet RIMA regroupe 11 chercheur.e.s d’Afrique, d’Amérique du Nord, d’Asie et d’Europe. Pluridisciplinaire (anthropologie, histoire, géographie, science politique et linguistique), il porte sur les femmes de l’espace Maghreb/Afrique de l’ouest islamisée et vise à étudier comment celles-ci, face aux diverses discriminations qu’elles subissent (inégalités de genre, territoriales, ethniques, économiques, religieuses), réagissent, luttent et/ou militent par le biais de l’islam. Décliné en 3 axes thématiques (affirmation par la pratique religieuse; radicalisations religieuses des femmes; combativité civique des femmes par le religieux) RIMA a pour ambition d’appréhender la façon dont les femmes, dans le contexte contemporain de la crise djihadiste au Sahel, réinventent leur vie et leur environnement social via la religion. À partir de l’Algérie, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Mali, du Maroc, du Nigeria et du Sénégal, il permet de réfléchir aux normes de religiosités, contrastées et parfois radicalisées que les femmes mobilisent, s’approprient et mettent en œuvre, pour lutter contre les inégalités dont elles souffrent et imposer leurs identités de croyantes et de citoyennes. Novateur par l’aire géographique étudiée (Maghreb/Afrique de l’ouest islamisée) définie comme entité sous-régionale historique; par la prise en compte des autres religions; et par l’étude de la violence au Sahel par le prisme des femmes, RIMA repose sur une équipe junior et séniore, grande connaisseuse des terrains abordés, dont les membres collaborent depuis longtemps ensemble. La méthodologie ethnographique (enquêtes de terrain qualitatives, entretiens, observation participante) sera complétée par une étude des matérialités et par des portraits de femmes. Une approche visuelle sera utilisée comme outil (filmages, photos, dessins) et comme objet d’observation.  

Le projet RIMA aura des impacts dans le domaine scientifique : il permettra le renouvellement et le transfert des connaissances, relèvera le défi de la coproduction de savoirs en vue d’appréhender au mieux les grands enjeux sociaux et politiques à venir des pays islamisés de la sous-région. Plusieurs actions de valorisation de la recherche seront organisées: un workshop (Montréal), un colloque final (Casablanca); des publications en français et en anglais déposées dans ORCID. Il aura des retombées en termes de transfert de connaissances, notamment en Afrique : participation à la formation d’étudiant.e.s (masters, doctorat) français, canadiens et africains; 2 universités d’été (Bouaké et Dakar); 1 atelier d’écriture en collaboration avec les Cahiers d’études africaines. Il aura aussi un impact sur le monde social et associatif grâce à la participation d’associations de défense des droits des femmes (religieuses et civiles), qui dialogueront avec les chercheur.e.s du projet. Enfin RIMA intéressera les pouvoirs publics, en termes de savoirs et d’expertises. L’impact attendu est de répondre aux questionnements de divers acteurs (politiques, économiques, ONG, programmes de développement : G7Sahel, OCDE, UNESCO, etc.) sur les tensions contemporaines autour des pratiques de l’islam et des clivages sociaux dans la zone Afrique de l’ouest islamisée/Maghreb, et de mettre en avant le rôle des femmes dans les transformations sociales. L’expertise réalisée pourra servir de base à des politiques publiques locales, mais aussi aux acteurs de la société civile impliqués dans des associations qui auront, grâce aux résultats fournis, une vision globale de ces problématiques dans la sous-région. 
Financement : Agence nationale de la recherche (ANR) 2022-2026
Subvention : Agence nationale de la recherche (ANR)
Titulaires de la subvention : Marie-Nathalie Leblanc et Fabienne Samson
Membres de l'équipe de recherche : Issouf Binaté (Université Alassane Ouattara), Cécile Petitdemange, Géraldine Mossière (Université de Montréal), Laurence Jutras (UQAM)